Conférence de Francis Martin organisée par la SESA en collabora0on avec Terra Botanica, le
vendredi 17 mars 2023 à 20 h
Portrait : Francis Martin est directeur de recherche à l’INRAE de Nancy et
professeur associé à l’Institut de recherche sur la forêt subtropicale à Hangzhou
et à l’Université d’agriculture de Huazhong en Chine. Docteur en physiologie
végétale et microbiologiste, il se passionne pour la biologie des arbres et des
champignons. Il parcourt les forêts du monde afin d ‘étudier leur biodiversité
microbienne. Son équipe a réussi à décrypter le langage utilisé par les arbres et
les champignons pour communiquer et établir la symbiose mycorhizienne,
association cruciale pour le bon fonctionnement des forêts.
Cet expert scientifique de notoriété internationale a publié plus de trois cent
articles dans les meilleures revues internationales et donné des centaines de
conférences partout dans le monde. Il est l’auteur de « Sous la forêt : pour
survivre il faut des alliés » et « Les arbres aussi font la guerre », parus chez
HumenSciences et de « La forêt hyperconnectée » publiée par les éditions La
salamandre.
Francis Martin effectue ses recherches sur les symbioses arbres-microorganismes
au sein de l’Unité Mixte IAM (INRAE et Université de Lorraine à Nancy).
LA FORÊT L’UN DES ECOSYSTÉMES LES PLUS FASCINANTS : ENTRE FAITS
SCIENTIFIQUES ET CONTES DE FÉES
Cette conférence a été un passeport pour partir à la découverte de l’un des
mondes les plus fascinants de notre planète : la forêt, Il en existe 3 écobiomes : la
forêt boréale, la forêt tropicale et la forêt tempérée. Francis Mar0n a résumé les
connaissances sur ces écosystèmes. Il nous a raconté avec enthousiasme
comment les forêts construisent nos paysages, comment les arbres ont, de tous
temps, joué les migrants clima0ques, comment fonctionnent ces altérités
singulières. Il nous a fait goûter les mille plaisirs d’une promenade sensuelle dans
les bois. Il nous a révélé des secrets bien cachés, nous a appris à mesure un nom
sur les habitants de la forêt, et à connaître leur histoire mais aussi leur avenir.
Enfin, il nous a encouragé à tisser des liens avec les arbres car « on ne protège
bien que ce que l’on connaît bien ».
L’INTELLIGENCE DES ARBRES
La conférence aurait pu s‘intituler « L’intelligence des arbres ». Mais comment
définir leur intelligence ? Ce pourrait être l’adaptation à l’environnement par la
forme (ex. l’influence du vent), la modifica0on de la position en fonction des
tensions. Il ne s’agit donc pas d’intelligence cognitive. Rappelons les définitions
de l’âme par Aristote. « La plante a une âme végétative ou nutritive, les animaux
une âme sensitive et les humains une âme intellective. « Un pas a été franchi
lorsque Darwin a démontré que les plantes sont douées de mouvements et sont
sensibles à la lumière et à la gravité.
LES QUATRE MONDES DE L’ARBRE
La conférence était articulée sur quatre propriétés de la biologie et de l’écologie
des arbres : l’arbre sensible, l’arbre communicant avec son entourage, l’arbre
monde et son cortège d’êtres vivants et l’arbre qui souffre.
• Les capacités sensorielles des plantes et des arbres
La vision (réception de la lumière), l’odorat (molécules volatiles), le goût
(éléments nutritifs) le toucher (stimuli mécaniques), la proprioception
(perception de la position des différentes parties du corps dans l’espace) sont
l’apanage des arbres, tout comme l’ouïe. Un arbre porte quelques 700 capteurs
sensoriels répartis sur tout le corps (les feuilles, les racines, le tronc).
• Une forêt est une société d’arbres
Comment les plantes communiquent-elles entre elles ? La compréhension du
parcours « émission du signal, transfert, réception, traitement des données et
réaction » fait appel à la biochimie. Les messages chimiques (par ex. ceux
transmis par la systémine après une blessure et véhiculé par la sève) constituent
des messages d’alerte.
• L’arbre, un supra-organisme
L’arbre est un méta-organisme. Chaque arbre est plus qu’un individu puisque, par
exemple, son écorce héberge des mousses, des lichens, des insectes, des
microbes … . La recherche a répertorié plus 2 300 espèces animales et végétales
hébergées sur un chêne, dont 326 dépendent de lui pour leur survie. « Quand le
chêne est malade, son cortège d’organismes dépendants l’est aussi !, « affirme le
scientifique.
Francis Martin évoque alors un sujet qui lui tient à cœur : les mycorhizes. « Une
mycorhize est un organe chimérique, un complexe excessivement sophistiqué ».
Ainsi, dans la symbiose ectomycorhizienne, des réseaux souterrains
microscopiques irriguent tout le sol. Le mutualisme, vaste et passionnant sujet,
est une interaction à bénéfices réciproques.
Francis Martin invite aussi à la prudence sur le fait que les arbres
fonctionneraient « la main dans la main ». Il n’a pas été démontré d’échanges
notables entre les arbres via les réseaux mycorhiziens.
Alors, les arbres sont-ils des « écervelés intelligents » ? Deux écoles de pensée
cohabitent. Stéphane Mancuso prétend que les arbres ressemblent de plus en
plus aux hommes. Tandis que Francis Hallé défend l’alterité profonde du monde
végétal. Francis Martin soutient plutôt cette vision.
• L’arbre qui souffre
Le dérèglement climatique rend indispensable l’adaptation des forêts. Quel sera
l’avenir des forêts dans l’anthropocène ? Dans son programme de « migration
assistée », L’ONF explore la possibilité de planter des espèces méditerranéennes,
adaptées à un climat chaud et sec dans les forêts du Grand Est afin d’atténuer les
effets du réchauffement climatique.
DÉBAT AVEC L’AUDITOIRE
Boris Barré, paysagiste et médiateur à Terra Botanica, présentait la soirée et
animait un débat très nourri. Des interrogations se sont fait jour entre autres sur
les « microforêts », sur la nature du mutualisme (est-ce un parasitisme qui aurait
échoué ?), sur la timidité des arbres, sur les facteurs de réussite des opérations
de reforestation.
Linda Kaluzny-Pinon
Pour aller plus loin à l’écoute :
Comments